Les élections législatives actuelles confirment une ancienne tendance chez la gauche française : l’utilisation des immigrés comme substance électorale. Des communautés sont ainsi réduites à des gisements électoraux sans réelle considération pour leurs véritables besoins et aspirations. Cette manipulation n’est pas nouvelle ; elle s’inscrit dans une longue histoire de la gauche française.
Il convient de rappeler qu’en 1830, la colonisation de l’Algérie fut décidée par un Charles X en difficulté interne mais avec la bénédiction d‘un parlement à majorité de gauche avant d’être intensifiée sous le régime de Louis-Philippe. Cette entreprise coloniale, justifiée par diverses manœuvres politiciennes fut légitimée par des figures comme Hugo, Ferry eux aussi de gauche. Ce fut le début d’une domination brutale déclinée par une exploitation systématique des ressources et des peuples. Cet épisode fondateur illustre déjà les contradictions internes de la gauche française capable de s’impliquer dans des entreprises impérialistes dont les injustices étaient atténuées par des considérations humanistes ayant vocation à émanciper les « races inférieures » selon la formule de Ferry. Le même égarement a prévalu pendant la guerre de libération au cours de laquelle les socialistes et les communistes votèrent les pouvoirs spéciaux qui livrèrent les populations autochtones à l’autorité militaire. Curieusement, ces fautes récurrentes n’ont pas laissé de traces dans la mémoire des élites algériennes.
La gauche et le populisme islamiste
Les années 90 ont vu la gauche française manifester un soutien ouvert au Front Islamique du Salut (FIS) en Algérie, stigmatisant du même coup les courants démocratiques. Le mouvement islamiste fut perçu par certains membres de la gauche comme une force de changement légitime luttant contre un régime militariste corrompu qu’elle avait accompagné depuis 1962 au nom d’un tiers- mondisme compassionnel. À ce sujet, Saïd Sadi, ancien responsable du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) – parti social-démocrate laïc algérien – déclare dans ses mémoires : « La gauche française nous a toujours combattus ».
Aujourd’hui, ce penchant pour les alliances douteuses se manifeste dans le soutien tacite apporté à des groupes comme le Hamas palestinien qui ne fait pas mystère de sa résolution à faire de la Palestine un Etat théocratique. Cette entité, financée par le Qatar, l’Iran et la Turquie a fait régner la terreur dans la bande de Gaza.
La gauche entre le pouvoir et la contradiction
L’histoire contemporaine montre que quand la gauche gouverne ses résultats sont généralement ambivalents. Si François Mitterrand a marqué son époque par l’abolition de la peine de mort, la France a connu sous son autorité une sévère récession économique et un chômage de masse. Le mandat de François Hollande, quant à lui, a été caractérisé par les conséquences des positions adoptées par le parti socialiste vis-à-vis de la question islamiste en Algérie. Des ambiguïtés qui furent, entre autres, à l’origine d’une large diffusion de l’idéologie islamiste dans les banlieues et qui connut son apogée par la série d’attentats terroristes de 2015. Une gestion contestable qui empêcha le président français de postuler à sa propre succession. Ces contre-performances successives montrent une certaine inclination de la gauche à un opportunisme politique qui contrarie les solutions durables qu’appellent les défis nationaux.
Pour revenir aux législatives de 2024, dont le 2e tour se tiendra ce dimanche, les mélenchonistes et leurs alliés, à travers le Nouveau Front Populaire (NFP), ont mené une campagne anti-macroniste, concentrée principalement sur la réforme des retraites et l’utilisation de l’article « 49.3 ». Cependant, après un premier tour où le conglomérat de gauche a perdu face à un RN – qui proclame avoir abandonné son extrémisme pour s’installer dans une droite plus raisonnable – la gauche s’allie avec le même Macron pour enrayer l’arrivée au pouvoir de ce qu’elle qualifie toujours d’extrême droite. Une alliance opportuniste qui soulève nombre de questions quant à la cohérence et la sincérité de ses engagements envers les couches sociales qu’elle prétend défendre. On a vu la très radicale France insoumise voler au secours de l’ancienne première ministre Élisabeth Borne qu’elle a violemment combattue en tant que responsable d’une réforme des retraites déclarée iconoclaste.
La préservation de l’identité française
En dépit du lourd passif opposant la gauche française aux démocrates algériens, ces derniers restent sous une forme d’emprise qui interdit un engagement autonome quand ils doivent exprimer une opinion ou un vote – pour ceux qui sont binationaux -, une attitude qui en fait toujours des forces d’appoint passives pour les divers partis de gauche qui les recrutent.
Quand par exemple on se dit défenseur de l’identité de son pays d’origine, on est supposé prêter attention aux inquiétudes des citoyens français qui donnent leurs suffrages au Rassemblement National (RN). Des femmes et des hommes qui assistent impuissants à une déferlante islamiste qui mite l’école, le tissu associatif ou le monde sportif ou simplement la vie quotidienne. La politique d’immigration massive et non régulée, encouragée par la gauche, alimente une peur que la gauche traite par le déni. Lorsque des immigrés évoquent cette question entre eux, ils conviennent volontiers de la tension et de l’insécurité que génèrent des flux migratoires que rien ne semble vouloir arrêter. Et quand un immigré nord-africain a les moyens de choisir le quartier où il veut où se loger, il opte rarement pour une zone où domine ses coreligionnaires. Ce constat n’est cependant jamais assumé quand il faut se positionner publiquement.
L’expérience algérienne face à l’islamisme
En abandonnant ses idéaux républicains pour capter le populisme islamiste, la gauche, notamment ses factions les plus radicales, se voit débordée par le RN qui a aspiré les couches populaires et devient otage du communautarisme qu’elle a voulu instrumentaliser. La gauche française n’a pas appris de sa méprise algérienne
On voit rarement sur les plateaux de télévision des acteurs algériens qui avaient alerté en vain les autorités françaises sur les risques de la dérive islamo-populiste. Des figures, généralement des femmes, comme Sonia Mabrouk, Lydia Guirous, Razika Adnani…assument de revendiquer l’émancipation démocratique qui ferait des citoyens ayant des racines avec des pays du sud des éléments aspirant à participer à la construction de la cité française non pas contre mais avec leurs compatriotes.
La dérive islamo-populiste de la gauche française pousse aujourd’hui des jeunes éclairés issus de l’émigration vers une droite où ils se sentent accueillis non pas comme alibi mais comme partenaire.
S.K.