L’islamisme ou la crucifixion de l’Occident de Kamel Bencheikh,une apologie de l’universalisme

Dans L’islamisme ou la crucifixion de l’Occident, superbe essai publié par les éditions Frantz Fanon et préfacé par le politologue Stéphane Rozès, Kamel Bencheikh, poète, romancier et militant laïque franco-algérien, propose un ouvrage percutant et sans compromis sur l’urgence de repenser la réponse occidentale face à la montée de l’islamisme. Observateur attentif des changements en Algérie, où il a vu le frérisme et le wahhabisme supplanter progressivement l’islam traditionnel, Kamel Bencheikh livre une analyse profondément ancrée dans sa propre expérience. Cet ouvrage est bien plus qu’un cri d’alerte : c’est un manifeste pour une laïcité résolument garantie comme rempart contre les dangers d’une idéologie qu’il estime inconciliable avec les valeurs de liberté, de démocratie et de progrès social.

Un témoignage documenté et lucide sur la mécanique de l’islamisme

L’ouvrage de Kamel Bencheikh se distingue par sa perspective personnelle mais aussi par la précision de ses analyses. Bien que l’auteur ne soit ni universitaire ni chercheur, il n’en propose pas moins une approche argumentée et documentée, enrichie d’années d’observation. Il décrit l’islamisme comme une mécanique insidieuse, cherchant à s’infiltrer en Occident en s’appuyant sur les mêmes valeurs de liberté et de tolérance que ces sociétés promeuvent. Kamel Bencheikh est clair : ce n’est pas l’islam, en tant que foi ou tradition, qu’il remet en question, mais bien l’islamisme, un courant qu’il définit comme une idéologie politique visant la domination mondiale sous couvert d’une interprétation rigoriste de l’islam.

Ce qui rend l’islamisme particulièrement redoutable, selon lui, c’est sa capacité à revêtir des formes multiples, à adapter son discours et ses méthodes selon les contextes. De la tenue religieuse ostentatoire aux menaces directes, cette idéologie s’insinue dans les institutions publiques, et notamment dans l’école, un pilier républicain fondamental. L’auteur y voit une offensive systématique contre la liberté de conscience et d’expression, ainsi que contre l’égalité des sexes – des valeurs fondatrices de la société française, qu’il considère comme directement ciblées par la stratégie islamiste. Pour Bencheikh, il ne s’agit pas d’un simple défi sécuritaire, mais bien d’un « conflit de civilisation », où la laïcité devient le dernier rempart d’un Occident en proie à un renoncement inquiétant.

Laïcité et démocratie : des remparts affaiblis

Kamel Bencheikh soutient que la laïcité, bien qu’essentielle à la paix sociale et au vivre-ensemble, a été vidée de son essence protectrice par des compromis successifs face aux revendications islamistes. Il dénonce la doctrine de la tolérance unilatérale, cet accommodement qui, au nom de la paix sociale, cède aux exigences d’une idéologie qui prône tout ce qui contredit les principes de liberté et d’égalité. Toujours selon Kamel Bencheikh, la peur n’a pas changé de camp malgré les drames comme ceux de Samuel Paty ou Dominique Bernard, et l’autocensure s’installe dans le corps enseignant. Selon un rapport du Sénat, 54 % des enseignants se sentiraient obligés de pratiquer une forme d’autocensure, se sentant peu ou pas du tout soutenus par leur institution dans la défense de la laïcité.

Pour l’auteur, il devient essentiel de renforcer les lois en matière de laïcité, notamment en modifiant la loi de 1905, qu’il juge inadaptée face à une menace d’ampleur nouvelle. L’islam radical n’existait pas en tant que tel à l’époque de la loi de séparation des Églises et de l’État ; il est aujourd’hui crucial, selon lui, d’adapter la législation pour préserver la société française de l’influence islamiste. Bencheikh prône une extension du principe de neutralité religieuse au sein de toutes les institutions assurant des missions d’intérêt général, incluant certains services privés et associatifs. Un contrôle plus strict des financements publics, limités aux structures neutres, et l’interdiction des pratiques religieuses ostentatoires dans l’espace public sont également au cœur de ses propositions.

Un appel à la fermeté et à la vigilance

Kamel Bencheikh questionne également les notions de « dialogue » et de « tolérance » souvent employées dans le débat public. Pour lui, l’Occident doit comprendre que l’islamisme ne cherche pas à dialoguer, mais à imposer une vision unique et exclusive du monde. L’idée d’un « islam des Lumières », compatible avec la modernité occidentale, est un rêve que l’auteur juge difficilement réalisable sans une réforme profonde de l’islam. Il observe toutefois qu’un courant réformiste émerge dans certains pays musulmans, où des individus et des groupes défendent les droits et libertés, comme en Iran, et qu’il serait opportun de soutenir.

Kamel Bencheikh appelle enfin à la création d’une infraction d’intelligence avec l’islamisme, considérant toute forme de compromis ou de complaisance envers cette idéologie comme une trahison des valeurs humanistes. En ce sens, son ouvrage est un manifeste pour un sursaut collectif, exhortant les citoyens et les institutions à résister à toute tentative de dilution des valeurs laïques et démocratiques sous le poids de l’islamisme. Il appelle à une vigilance accrue et à une détermination sans faille pour protéger ce qu’il nomme les « piliers de la civilisation occidentale », au risque de voir l’Occident se renier.

Valérie Moreau

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