L’AFFAIRE SENSAL RÉVÈLE LE NIVEAU DE RÉGRESSION POLITIQUE ET CIVIQUE

Tant que les mots de Boualem Sansal respirent…

De l’autre côté de la mer — cette mer qui fut promesse et douleur — un homme est enfermé pour avoir trop aimé la liberté. Boualem Sansal, écrivain majeur et conscience éveillée, croupit dans une cellule que rien ne justifie, sinon la peur qu’il inspire aux puissants par la seule force de ses mots.

Sa solitude est celle des justes : arrachée au monde, persécutée dans le silence complice des grandes capitales. Ici, sur la rive où la démocratie se targue d’exister, nous peinons à transformer notre indignation en acte. Trop souvent, nous nous contentons de soupirs désabusés, de protestations mesurées, d’analyses froides qui dissimulent notre impuissance.

Il y a les stratèges des chancelleries, qui confondent prudence et abdication. Il y a les professionnels du compromis, incommodés par l’intransigeance d’un écrivain libre. Il y a les indifférents, qui trouvent toujours de bonnes raisons pour détourner le regard. Il y a aussi les agents du régime, habiles à infiltrer les failles de nos sociétés ouvertes pour propager leur venin. Et il y a, hélas, les collaborateurs d’aujourd’hui, qui troquent leur honneur contre un semblant d’influence.

L’enfermement de Boualem Sansal n’est pas un fait divers : c’est un signal. Un avertissement. Il nous dit que la liberté peut se perdre lentement, un silence à la fois. Et que lorsque les voix les plus claires sont muselées, c’est toute une civilisation qui vacille.

Nous devons continuer à nous battre. Pour lui, pour nous. Lire Boualem, c’est le soutenir. C’est ouvrir un passage dans la muraille. C’est refuser que sa parole s’éteigne, et avec elle, notre propre exigence de vérité. Car dans ses livres palpite une énergie rare : celle qui ranime les volontés et relève les visages.

Tant que ses mots respirent, la nuit ne gagne pas.

K. B.

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