Véronique Perrault, tisseuse de ponts invisibles

Véronique Perrault, tisseuse de ponts invisibles

À la lisière du monde visible, il existe des voix qui ne racontent pas : elles façonnent l’air, elles sculptent la lumière entre deux silences. Véronique Perrault est de ces âmes rares.

Comédienne belge aux yeux clairs comme des matins de pluie, elle traverse le monde du cinéma non comme une passagère distraite, mais comme une rêveuse éveillée, attentive à chaque éclat, à chaque frémissement. Sa voix ne se contente pas de dire : elle tisse des ponts invisibles entre les êtres, elle cueille ce que nos regards trop pressés ne savent plus voir.

Véronique Perrault n’a jamais voulu se laisser enfermer dans l’écrin doré d’un seul rôle. Sa vie même est une traversée — une main tendue vers l’inconnu, une marche lente et vibrante vers d’autres rivages. Elle a saisi la caméra comme on saisit une voile, avec la fièvre douce de celles qui ne craignent pas de s’égarer pour mieux se retrouver.

Il y eut ce premier documentaire, suspendu comme une goutte d’eau dans l’air du matin : une rencontre entre un cheval et un homme. Mais Véronique Perrault n’a pas filmé un simple duo ; elle a capté l’invisible frisson qui passe de l’un à l’autre, cette conversation muette où les âmes, mieux que les mots, se reconnaissent. À travers son regard, l’animal et l’homme ne sont plus que deux éclats d’une même étoile.

Puis est née sa chaîne YouTube, Les productions Véronique de Perrault, comme on fait jaillir une source au creux d’une clairière secrète. Là, elle tend le micro aux voix discrètes, aux voyageurs de l’âme, à ceux qui, loin des projecteurs, tissent le monde autrement.

Il y eut Vincent Hamain, funambule du temps, venu parler d’un exil intérieur, d’une traversée invisible que seul le silence sait nommer.

Il y eut Louis Fouché, médecin devenu veilleur de l’aube, posant ses mots comme des pierres pour traverser les fleuves du doute.

Il y eut Alexander Boldachev, harpiste aux doigts d’orage et de lumière.

Et Vincent Munier, chasseur d’ombres et de neiges, qui sait attendre des jours entiers qu’un souffle de panthère fasse frémir le monde.

Dans Paroles d’enfants, Véronique Perrault s’est approchée, comme on s’agenouille devant un feu fragile. Chloé, Sacha, Marion, Léon : quatre éclats d’enfance, quatre éclats d’évidence. Elle n’interroge pas. Elle accueille. Elle écoute. Et dans ce geste si simple, elle restaure une vérité profonde : les enfants portent encore en eux les mots neufs, les mondes entiers, que nos mémoires oublient.

Aujourd’hui, Véronique Perrault porte en elle un rêve lumineux : celui d’un grand film. Pas une œuvre fabriquée à la hâte, non. Une fresque sincère, âpre et belle, comme une main nue tendue dans la lumière.

Ce sera une histoire d’amour, mais pas de celles que l’on consomme et que l’on oublie. Un amour-passage, un amour-tempête, un amour-asile.

Elle sait, mieux que quiconque, que l’amour est un feu qui brûle sans jamais s’annoncer, qu’il forge les êtres autant qu’il les défait, qu’il est fait d’attentes, d’éclats, de silences où l’on apprend à renaître.

Ce scénario, qu’elle rêve d’écrire avec un magicien des mots, vit déjà en elle, comme une rivière sous la glace, prête à surgir au premier souffle du printemps. Il sera fait de regards qui parlent avant la parole, de gestes qui tremblent avant de s’élancer, de silences si pleins qu’ils en deviennent musique.

Car Véronique Perrault, avant d’être une réalisatrice, est une passeuse. Une éclaireuse d’ombres. Une semeuse de tendresse.

Elle n’interprète pas ses personnages : elle les habite. Elle devient la voix tremblée, le frisson au creux de l’instant, la présence qui sait que l’essentiel se dit sans un mot.

Et parce qu’elle n’a jamais triché avec l’émotion, parce qu’elle a toujours préféré l’authenticité à l’apparence, il est naturel qu’elle rêve aussi d’un rôle à sa démesure : un rôle d’incandescence, un rôle de murmure et d’orage mêlés, où le moindre souffle pèserait comme une promesse.

Véronique Perrault ne fait pas de l’art pour briller. Elle éclaire. Elle rallume dans nos consciences fatiguées cette vieille lampe vacillante qu’est le besoin d’aimer vrai, de parler juste, d’exister pleinement.

Dans ce monde asphyxié de bruit et de faux-semblants, où l’on vend du rêve en boîte et de l’émotion à crédit, elle trace une route à la main nue, patiemment, humblement. Une route de pierres précieuses invisibles, que seuls les cœurs encore vibrants savent reconnaître.

Lorsque son film éclora, ce ne sera pas seulement la naissance d’une œuvre : ce sera la floraison d’une prière longtemps murmurée, la naissance d’un autre regard posé sur nos existences.

Et nous serons là, les yeux ouverts, le cœur en éveil, pour accueillir cette offrande.

Parce qu’en vérité, Véronique Perrault fait partie de ces rares artistes qui ne créent pas pour plaire, mais pour relier.

Parce qu’elle nous rappelle, dans chaque souffle, dans chaque image, que nous ne sommes pas seuls.

Que sous les décombres de nos vies pressées, il existe encore des mains qui savent tendre, des yeux qui savent voir, des voix qui savent aimer.

Que son chemin continue d’essaimer cette lumière patiente, cette bienveillance ardente.

Et que son cinéma, comme sa présence au monde, demeure toujours un refuge d’amour vrai, un éclat de beauté à partager.

K. B.

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