307 députés siégeant à l’Assemblée nationale française ont voté une résolution demandant la libération immédiate et inconditionnelle de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Auparavant, la députée Constance Le Grip, du groupe macronien dirigé par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, avait donné lecture d’une lettre émouvante des deux filles de Sansal, qui vivent en Tchéquie, dont est originaire leur mère et dont nous donnons ci-dessous le contenu*.
Malgré quelques hésitations, les députés socialistes et écologistes ont apporté leur soutien au texte. Les communistes se sont abstenus, mais le groupe LFI, assumant de jouer le rôle de caisse de résonance du régime algérien, a voté contre. Au mois de juillet 2024, la députée européenne des Insoumis Rima Hassan s’était rendue à Alger, où elle avait déclaré être fière de se trouver dans la Mecque de toutes les libertés, soulevant un élan d’indignation dans un pays où plus de deux cents jeunes de son âge croupissent en prison pour avoir émis une opinion ou simplement relayé sur le Net un post dérangeant pour les potentats d’Alger.
Dans la diaspora, des intellectuels algériens ou binationaux qui avaient condamné Sansal « comme écrivain d’extrême droite » se sont précipités pour dénoncer l’incarcération du très controversé polémiste Mohamed Lamine Belghit, qui a déclaré que l’amazighité était « une création franco-sioniste », allégation autrement plus préjudiciable à la cohésion nationale algérienne que les propos de Sansal, qui donnait une description erronée des limites séparant l’Algérie et le Maroc lors de la colonisation française. Un aveuglement partagé par des politiques puisqu’en Algérie, le RCD, resté silencieux après l’emprisonnement de Sansal, s’est ému le 3 mai de l’arrestation de l’activiste islamiste, par ailleurs massivement soutenu par les responsables et acteurs de la société civile de la même tendance.
Ces deux événements viennent rappeler le recul des positions démocrates dans un pays désormais sous-traité aux Frères musulmans.
*Lettre de Nawal et Sabeha Sansal aux députés
À l’attention des députés de la République française
Discours de Sabeha et Nawal Sansal
Filles de Boualem Sansal
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous allez adopter une résolution solennelle appelant à la libération immédiate et sans condition de notre père, Boualem Sansal, et ce faisant, vous allez accomplir bien plus qu’un geste politique : vous allez affirmer haut et clair que la République n’abandonne pas ceux qui défendent ses valeurs, où qu’ils soient.
Notre père est en prison pour avoir refusé de se taire. Pour avoir écrit, pour avoir pensé, pour avoir dénoncé l’emprise de l’obscurantisme. Ce combat, il ne l’a jamais mené pour lui-même, mais pour l’honneur, pour la vérité, pour la jeunesse de son pays et pour la jeunesse française.
Aujourd’hui, par votre vote, vous allez raviver une espérance. Vous allez rendre audible la voix d’un homme bâillonné, d’un écrivain qui est aussi votre compatriote et qui promeut le français comme la langue de l’Universel et des Lumières. Vous allez faire résonner, dans le silence des cellules, la force du mot « fraternité », une valeur de portée constitutionnelle en France.
Nous vous en sommes infiniment reconnaissantes. Votre engagement nous touche profondément. Il nous rappelle que la République sait encore se lever quand la liberté est en danger, qu’elle sait reconnaître les siens, même exilés, même enfermés, même loin.
Merci pour votre courage. Merci de faire vivre, par ce geste, l’esprit de justice, de liberté et de solidarité qui fait la grandeur de la France.
Avec respect et gratitude,
Sabeha et Nawal Sansal