Esquive et diversion : L’ancien responsable de la coordination du RCD a publié, le 27 mai 2025, une communication du parti évoquant une prétendue guerre autour du « contrôle du parti en 2019 ». Or, personne n’a remis en cause ni un responsable, ni la hiérarchie. Les divergences ont porté — et portent encore — sur la dérive idéologique et la destruction des archives, que Monsieur Saoudi tente de soustraire au débat.
Nous publions ici l’analyse qu’en fait Idir Cherikh.
Par son long texte publié le 27 mai 2025, Ouamar Saoudi tente une justification laborieuse des errances politiques d’une direction du RCD qui s’est progressivement éloignée de l’esprit fondateur du parti. À force de vouloir tout excuser, y compris l’inacceptable il finit par confirmer ce que beaucoup soupçonnaient déjà : une dérive opportuniste habillée en cohérence tactique, et un effacement méthodique de la vision stratégique que Saïd Sadi avait portée avec clarté et constance.
Une défense floue d’un texte flou
Dès les premières lignes, Saoudi assume la signature de la plateforme du 15 mars 2019, cosignée avec Mourad Dhina. Il se défend d’avoir trahi les valeurs du RCD, en l’inscrivant dans la continuité de la conférence de Mazafran de 2014. L’analogie est non seulement hasardeuse, elle est trompeuse. À Mazafran, le RCD dialoguait dans un cadre structuré avec des acteurs politiques constitués – islamistes inclus – dans une logique d’ouverture maîtrisée. En 2019, il ne s’agissait plus de dialogue, mais de confusion volontaire, où la signature commune d’un texte avec des figures issues de l’ex-FIS relevait d’un brouillage idéologique. L’intelligence tactique ne doit jamais se faire au détriment des principes fondamentaux. Et l’un des principes cardinaux du RCD, c’est précisément la séparation entre le religieux et le politique.
Une gestion erratique de la crise de 2019
Le refus du retrait immédiat de l’Assemblée en 2019, présenté par Saoudi comme un acte de responsabilité, était en réalité un acte de frilosité politique. Alors que le peuple exigeait une rupture nette, le RCD s’est accroché à ses sièges dans un calcul politicien qui s’est retourné contre lui, sauf Yassine Aissiouane et Lila Hadjarab qui ont écouté le peuple.
Mais au fond, c’est bien cette incapacité à incarner une opposition claire, visible et sans ambiguïté qui a affaibli le RCD dans la rue. La stratégie n’était pas mauvaise : elle était inexistante.
Une mémoire sélective et un aveuglement politique
Saoudi revient longuement sur la décennie noire et la Charte pour la réconciliation. Il reprend à son compte la position du RCD contre l’amnésie imposée par le régime. Très bien. Mais il passe sous silence les implications profondes de la signature d’un texte avec des figures qui, hier encore, glorifiaient la violence et refusaient les valeurs républicaines. Il ne suffit pas de défendre la mémoire : encore faut-il ne pas l’insulter par des alliances tactiques douteuses. Là où Saïd Sadi avait pris tous les risques jusqu’à l’isolement politique pour défendre une ligne de clarté éthique, d’autres ont préféré la compromission dans le brouillard des mots.
La défense d’Atmane Mazouz : un réflexe tribal
Les dernières lignes de la contribution de Saoudi prennent des accents de tribune de soutien personnel. Atmane Mazouz, dit-il, est victime d’attaques extérieures. Mais les critiques ne viennent pas de l’extérieur : elles viennent de militants, d’anciens cadres, de citoyens lucides qui refusent de voir le RCD devenir un appendice d’islamistes ou une coquille creuse d’indignation périodique. Ce n’est pas du “patriotisme de parti” qui sauvera le RCD, c’est le retour à ses fondamentaux : la laïcité, la clarté idéologique et l’indépendance vis-à-vis des appareils d’État.
Conclusion : La rupture est claire
Le texte d’Ouamar Saoudi n’éclaire rien. Il tente de justifier, de dissimuler, de détourner. Mais il ne convainc pas. Il symbolise une période d’égarement politique, où le RCD s’est peu à peu éloigné de l’exigence intellectuelle et politique que Saïd Sadi incarnait. Aujourd’hui plus que jamais, reconstruire une opposition démocratique passe par un retour aux lignes claires : refus du double langage, refus des alliances opportunistes, et fidélité à l’idéal d’un État moderne, laïque, juste. Tout le reste n’est que justification d’échecs et rhétorique d’appareil.
Idir Cherikh