Mosquée de Paris : emblème de l’islamisation de l’État

On a tendance à s’alarmer du parlement algérien où les projets de loi liberticides à connotations religieuses sont la norme de la production législative. On s’émeut de la pieuvre du parti frériste, le MSP qui a absorbé l’économie, le commerce, la justice, l’éducation, la culture et l’information…Mais peu de gens relèvent la nouvelle place que prend la Mosquée de Paris qui dispose d’un budget colossal pour exercer des fonctions que l’ambassade abandonne ou dont elle est délibérément dessaisie.

Ce n’est pas le chargé des affaires culturelles de la représentation diplomatique algérienne ou un consul qui mobilise et organise la diaspora. Après l’échec de la mission assignée au très controversé Karim Zeribi, c’est la Grande mosquée de Paris qui a vocation à récompenser les écrivains, faire se rencontrer les scientifiques ou exhiber les artistes qui veulent bien soumettre à la couverture religieuse leur inspiration. Tous doivent valider l’idée que seul le culte donne l’ultime légitimité.

On ne sait pas si les élites qui se prêtent au jeu mortifère de la préemption du religieux sur la vie intellectuelle, scientifique et culturelle réalisent la portée de leur compromission avec son impact délétère sur une jeunesse diasporique à la recherche de repères citoyens ou les cadres universitaires restés au pays qui luttent jour et nuit pour essayer de contenir l’emprise de l’obscurantisme sur l’enseignement et la recherche. Certains de ces notables participent de leur plein gré, d’autres subissent de subtiles pressions ou sont l’objet de divers intéressements ; mais le fait est là : des personnalités ayant acquis une indiscutable réputation dans leur secteur d’activité ont été impliquées dans l’islamisation active de la vie profane. Il ne s’agit pas seulement des fonctionnaires organiques comme Yasmina Khadra qui a toujours revendiqué sa proximité avec le pouvoir algérien dont il tait abus et dépassements. Des personnalités comme Mouhoub el Mouhoub, coordinateur des grands sites universitaires, Mohand Sidi Said ancien dirigeant du laboratoire Pfizer, Yasmine Belkaid, qui est à la tête du laboratoire Pasteur, se plaisent à mettre leur renommé et crédit au service d’un lieu de culte éminemment politisé et qui fait office de représentation nationale. Récemment, c’est la sulfureuse sœur du chanteur Matoub Lounés qui a été reçue pour se voir assurée que la mosquée de Paris perpétuerait l’œuvre de son frère, lui l’athée assumé !

Les appels appuyés du recteur en ont persuadé plus d’un. Ils alternent promesses et allusions pesantes qui font comprendre que le refus de se commettre dans la mise en œuvre de la politique de suprémacisme religieux peut être mal perçu en haut lieu. Est-ce suffisant pour se rendre complice d’une démarche éminemment dommageable pour un pays de plus en plus gangréné par l’islamisme ? Le rôle des élites n’est-il pas, justement, de résister à la tentation de l’asservissement quand les menaces se font plus pressantes, de rappeler qu’une mosquée comme tout lieu de culte doit rester un site dédié à la prière et au recueillement et de dire qu’à chaque fois que la religion a débordé sur la vie civile, ce sont toujours des libertés qui s’évanouissent et des vies qui sont fauchées ?

Les Algériens plus que tous les autres savent ce qu’il en coute à un peuple quand une autorité recourt à l’invocation divine pour régenter la société.  

Beaucoup de ces notabilités sont horrifiées de s’entendre dire qu’elles sont de fait associées à l’islamisation de la vie institutionnelle, c’est-à dire la préparation de l’instauration de la République islamique. Certaines d’entre elles expliquent qu’elles acceptent de s’afficher dans cet endroit pour éviter que ce soit des individualités plus radicales qui occupent les lieux. Piètre et puérile argutie : aucun engagement tactique, aucun appel à la modération n’a empêché l’islamisme de semer la mort.  C’est pourtant bien à cette funeste entreprise que ces cadres participent. Même s’ils s’en défendent.

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *