Les 28 et 29 juin s’est ouverte la 31ᵉ session du Maghreb des livres, consacrée cette année à la littérature algérienne. C’est l’écrivaine Mayssa Bey qui a été désignée marraine de cette édition. L’association Coup de soleil, à l’origine de cette manifestation, est dirigée par Georges Morin, un pied-noir originaire de Constantine, resté proche de son pays de naissance. Ce dernier se plaint de la précarité qui menace les activités de son organisation, du fait de la réduction drastique des financements publics dédiés aux structures de la société civile. Un risque bien réel auquel est venue s’ajouter, cette année, une autre hypothèque, peut-être plus dangereuse encore, dans la mesure où elle dévoile une crise morale et intellectuelle qui mine Coup de soleil de l’intérieur.
En effet, pendant les deux jours qu’aura duré cette manifestation, pas un mot n’a été prononcé en faveur de l’écrivain franco-algérien détenu par Alger depuis le mois de novembre et qui vient d’être condamné en appel à cinq ans de prison.
Des dizaines d’auteurs français et algériens ont consciencieusement dédicacé leurs ouvrages. D’autres ont animé des ateliers sur plusieurs sujets, mais à aucun moment le nom de Sansal n’a été évoqué. Mieux ou pire, les intellectuels francophones présents ont été parmi les plus virulents à relayer les accusations du pouvoir algérien contre Sansal, à qui il est reproché d’avoir abusivement contesté les limites des frontières séparant l’Algérie et le Maroc.
Au même moment, les islamistes lançaient une pétition visant à recueillir un million de signatures pour exiger la libération de Mohamed Lamine Belghit, arrêté à la suite de sa déclaration qualifiant l’amazighité de « création franco-sioniste », une affirmation qui désigne implicitement aux miliciens islamo-baasistes les citoyens amazighophones comme des cibles à abattre.
Comme lors des autres éditions, l’historien Benjamin Stora, lui aussi natif de Constantine et proche de Georges Morin, officiellement membre du comité international de soutien à Boualem Sansal, a écumé les allées du salon sans avoir un mot pour celui dont il est supposé demander la libération.
Des voix anonymes tentent d’expliquer cet impair par un oubli. Argument difficilement recevable, dans la mesure où le poète et écrivain Kamel Bencheikh, qui a une actualité littéraire importante et qui est habituellement convié à cette rencontre, n’a pas été invité cette année. Il se trouve qu’il est l’un des membres les plus actifs du comité de soutien à Sansal.
« La crédibilité de Coup de soleil en prend un coup. Que dire des auteurs algériens qui se sont prêtés à cette censure ? », se désole un internaute.