L’ Algérie et l’Italie ont signé lundi 11 avril un accord portant sur l’augmentation des livraisons de gaz. L’accord ne serait pas bien accueilli par l’Espagne, l’autre gros client européen du gaz algérien, qui craindrait des répercussions sur ses propres approvisionnements.
Le groupe public algérien Sonatrach et le géant italien ENI ont convenu, en vertu de l’accord, de la livraison de 9 milliards de mètres cubes supplémentaires par an en 2023-2024, avec le début de l’augmentation progressive des volumes dès l’automne prochain.
Ce qui permettra à l’Italie de réduire sa dépendance aux importations de gaz russe qui constituent 40% de ses approvisionnements.
Selon l’agence Bloomberg, des discussions ont aussitôt été engagées entre diplomates italiens et espagnols à propos des retombées de l’accord sur l’approvisionnement de l’Espagne.
L’Algérie est reliée aux deux pays par des gazoducs, le Transmed-Enrico Mattei vers l’Italie, le Medgaz et le GME vers l’Espagne. Ce dernier, qui traverse le Maroc, a été néanmoins fermé en novembre dernier suite à un différend politique entre Alger et Rabat.
Le 18 mars, Madrid a effectué un revirement inattendu dans sa position sur le Sahara occidental, s’alignant sur les thèses marocaines, déclenchant ainsi une crise diplomatique avec Alger qui a rappelé son ambassadeur en Espagne.
Dans la foulée, une source algérienne anonyme a écarté, dans une déclaration à un journal espagnol, la fermeture du robinet du gaz avec l’Espagne, mais que l’Algérie « modulera ses relations en direction de certains partenaires de l’Europe du sud qui ont investi en Algérie et qui entretiennent d’excellentes relations traditionnelles avec notre pays ».
Cette source a cité l’Italie comme un pays qualifié « pour devenir le hub gazier dans la région eu égard à la capacité du gazoduc Enrico Mattei et à la demande et la disponibilité affichées par les opérateurs de ce pays ami ».
C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’accord du lundi 11 avril, pour lequel le premier ministre italien Mario Draghi s’est déplacé en personne à Alger.
Selon Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, l’accord a suscité au sein de l’industrie gazière espagnole des craintes qu’il ne renforce la position de l’Algérie dans ses négociations avec l’Espagne sur la question des prix du gaz. Les Espagnols seraient inquiets aussi des répercussions sur la capacité de l’Algérie à maintenir l’approvisionnement de l’Espagne.
« De hauts responsables espagnols et italiens ont discuté de l’accord gazier italien ces derniers jours et ont l’intention de se revoir plus tard ce mois-ci », indique Bloomberg.
« Un moment sensible pour l’Espagne »
De son côté, un porte-parole du ministère italien des Affaires étrangères a déclaré que les chefs de la diplomatie italien et espagnol prévoyaient de se rencontrer dans les semaines à venir, assurant que les deux pays ont des « contacts diplomatiques constants » et une « excellente relation ».
Bien qu’un responsable italien proche du dossier ait assuré que l’accord avec l’Algérie « n’affecterait pas les approvisionnements espagnols », il n’en demeure pas moins qu’à Madrid, on craint que « le gaz actuellement destiné à l’Espagne soit détourné vers l’Italie », selon Matteo Villa, chercheur principal à l’Institut italien d’études politiques internationales, cité par la même agence.
Le spécialiste estime que l’accord algéro-italien arrive à « un moment sensible » pour l’Espagne dont la compagnie énergétique Naturgy se trouve en pourparlers tendus avec Sonatrach sur la question des prix et alors que le pays paie plus cher le GNL, notamment américain livré par méthaniers.
Sur ce point, une source interrogée par Bloomberg a indiqué que l’Italie elle-même chercherait les moyens d’aider l’Espagne à assurer davantage de cargaisons de GNL et à faire en sorte que son accord avec l’Algérie ne compromette pas les approvisionnements espagnols. Matteo Villa estime en outre que la baisse de la production et des exportations algériennes est un facteur qui aggrave la concurrence entre les pays de l’Union européenne pour s’assurer des parts du gaz algérien.
Néanmoins, l’Algérie devrait disposer à terme de plus de capacités de production et d’exportation. La production algérienne devrait doubler d’ici quatre ans, selon le PDG de Sonatrach. En février dernier, le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé l’investissement de 39 milliards de dollars dans le secteur des hydrocarbures dans les quatre prochaines années.
TSA