Alger : rumeurs et luttes de clans

En l’espace de 48 heures deux importantes annonces – suspension des lettres de domiciliation concernant le commerce avec la France et découpage administratif – sont officiellement démentis par des membres du gouvernement.

La première décision a pourtant bel et bien eu lieu puisque les établissements bancaires furent instruits verbalement pour ne plus donner suite aux demandes de transaction commerciale de ou vers  la France ( voir Tazzuri du 06/11/2024). Le tollé et la panique engendrés dans les milieux économiques privés finirent de venir à bout d’une information prise dans la précipitation et par des cercles dont il est difficile de déterminer avec certitude les responsables et les motivations. C’est par l’intermédiaire de son service la communication que le premier ministère réagit : « suite aux allégations mensongères colportées par l’ancien ambassadeur de France à Alger, dans son délire haineux et coutumier à l’égard de l’Algérie (…) la cellule de communication auprès de premier ministre tient à apporter un démenti catégorique à ces informations erronées et totalement infondées » .

Selon cette version, l’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt dont le nom n’est pas explicitement évoqué, aurait intoxiqué pendant plusieurs jours les banques algériennes par un post publié sur sa page facebook.  

Cet imbroglio est mis à profit pour mettre un terme à l’arrêt du commerce sanctionnant les transactions avec l’Espagne à la suite de l’alignement de Madrid sur Rabat dans le dossier du Sahara occidental. Dans une note en date du 6 novembre, la Banque centrale informe les « banques intermédiaires agréées » que « les opérations extérieures de et vers l’Espagne doivent être  traitées conformément à la réglementation des changes en vigueur », mettant ainsi un terme au gel commercial qui dure depuis 2022.  

En ce qui concerne la régionalisation, un sujet au centre des débats depuis le début des années 80, le projet mis en ligne propose une formule où les Aurès voient leur homogénéité anthropologique et sociologique prise en compte alors que l’entité Kabylie est niée puisque Bejaia, Tizi-Ouzou, Bouira, Boumerdes et Bordj Bou Arreridj sont rattachées à des régions différentes.  C’est le ministre de l’intérieur Ibrahim Mourad qui a démenti devant les députés l’information largement commentée sur les réseaux sociaux : ces rumeurs « sont infondées » et visent, selon lui, à « semer le désordre » a réagi le ministre qui ajoute qu’il y a derrière cette publication la volonté de porter atteinte à l’unité nationale. « C’est là une façon de diaboliser la proposition de refondation de l’Etat qui constitue l’un des axes majeurs des militants démocrates parmi lesquels figurent ceux du mouvement amazigh », commente ce responsable d’association culturelle berbère de l’Est de la France .

Particulièrement sensible, le sujet de la régionalisation est ancien puisque qu’à la veille du déclenchement de la lutte armée en 1954, Boudiaf, qui évoluera sur la question amazighe dans les années 70,  avait envisagé de rattacher Bejaia à Constantine et Tizi Ouzou à Alger. Il a fallu l’opposition ferme de Krim Belkacem appuyé par Ben Boulaïd pour que la Kabylie et les Aurès soient admis comme des zones à part entière avant de devenir des wilayates après le congrès de la Soummam en août 1956. .

En Kabylie, cette opération est aussi interprétée comme une manœuvre des cercles islamo- conservateurs destinée à enterrer le projet de régionalisation.

Pour cet ancien secrétaire général d’un ministère régalien, ces rumeurs et leur dénonciation illustrent généralement l’exacerbation des luttes de clans quand des équilibres du sérail sont remis en cause par de nouveaux rapports de force.    

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